COMMENT TU PARLES ?
Interviewé pour le CIDJ
Centre d’Information et de Documentation Jeunesse
5 mars 2025
J’ai été interviewé par Perrine Basset Fériot pour le CIDJ afin d’évoquer mon travail sur le lexique des nouvelles expressions des jeunes et la sortie de mon podcast Apprends les bails sur les nouveaux mots du 93.
En s’intéressant aux vocables utilisés par les jeunes, souvent empreints d’argot, peut-on réellement parler de nouveaux mots ?
Si on se demande comment se créent les nouveaux mots, il s’agit en général d’emprunts à d’autres langues et de néologismes, c’est-à-dire de termes fabriqués de toutes pièces. Le français s’est toujours nourri des langues étrangères, par exemple en empruntant à la Renaissance 7000 mots à l’italien. L’enseignement de l’école publique en France a été pensé par Jules Ferry. Pour uniformiser le langage, il a obligé les maîtres et les maîtresses à cesser d’utiliser leurs langues d’origine, comme l’occitan, l’alsacien, le breton… Aujourd’hui, notre lexique continue de se renouveler, notamment via des emprunts aux autres langues comme l’anglais, l’arabe, le romani, le créole antillais, mais aussi en puisant dans les argots africains comme le nouchi et le camfranglais. Dans le vocabulaire des jeunes, on retrouve aussi des mots de l’ancien français, comme « darons/daronnes », des sigles, des acronymes, des troncations avec des mots coupés comme « déter », pour « déterminé ». À l’université de Villetaneuse, il y a une grande mixité de populations et de langues, avec des jeunes ayant grandi dans le 93 ou en Île-de-France, et des étudiants nés à l’étranger. Lors de mes dernières interviews, j’ai rencontré une jeune venue de Madagascar et un jeune arrivé des Comores. Je pensais dans un premier temps qu’ils découvriraient les nouveaux mots que je leur présentais, alors que non, certains leur étaient familiers car ils les avaient découvert via TikTok. La force de la langue vient aussi de cette rapidité à évoluer. Les étudiants le racontent : dans une conversation entre amis, quelqu’un peut faire une faute ou détourner un mot. Puis, via les réseaux sociaux, cette nouvelle expression va devenir une tendance et se diffuser à grande échelle.