Vald, Portrait

Roadie Magazine

septembre 2015

L’humour est omniprésent chez Vald, mais il aborde la question avec une certaine duplicité.
« J’ai fait du théâtre au lycée. Plus tard, avec AD on s’est fait sélectionner pour la scène ouverte du Trévise, le FIEALD. On est monté sur scène et ce n’était pas drôle. En fait si, c’était sans doute un peu drôle, mais on était si nuls techniquement qu’au bout de 4 minutes, un gars a crié « plus fort ! ». Personne ne nous entendait, on parlait entre nous. D’ailleurs, au théâtre, on ne me donnait que des rôles où je devais me taire. » En plus des paroles et son phrasé changeant qui s’autorise des sorties de route (meilleur exemple, le succès inattendu de « Poisson »), l’humour de Vald et ses potes se retrouve dans leurs clips. Comme celui de « Par Toutatis » où, grimés en keufs, ils claquent dix fois la porte de leur voiture, comme dans le sketch des Inconnus. « Bien sûr, Les Inconnus m’ont inspiré, ce sont des légendes. » Après « Selfie », ritournelle perverse dont le clip a été tourné avec deux stars du X et décliné en trois versions (soft, érotique et hardcore), Vald a eu « l’idée de faire un clip où il ne se passe absolument rien. » Résultat ? « Urbanisme », un court métrage digne d’un musée d’art contemporain. Trois fois le même trajet filmé à trois moments différents de la journée. 11h43, 15h57 et 18h35. On suit donc Vald qui sort d’un immeuble, marche sur le trottoir, longe un terrain vague et arrive au tabac où il achète un paquet de Winston (et un briquet). Le même qu’il évoquait dans « Winston », dont le clip champêtre était tourné au Parc de la Poudrerie à Sevran. Les jeux de renvois à sa propre histoire suffisent à installer un cadre narratif. La dérision fait le reste. NQNT, mais pas n’importe quoi.

Si son univers de branleur nihiliste, accro au porno, au shit et aux jeux vidéos, ressemble à celui d’Orelsan – qui refusait d’être associé au rap alternatif type Svinkel TTC -, il ne veut pas être assimilé à lui. Méfiant, sans doute, à l’égard de son image, craignant peut-être d’être mis dans le même sac que des rappeurs manquant de street credility. Il ne veut pas être catalogué, ne pas expliquer, ne pas choisir entre le premier et le second degré et, peut-être, soigner son image auprès de la rue. Il essaie tous les instrus et tous flows possibles, prend des voix de jeune ouf ou de vieille dame outrée.

Comme disait Booba en conclusion de « Ma définition », les textes de Vald sont « à prendre à 1 degré 5 ». On le prend comme on veut, ce n’est pas à lui de de choisir, l’interprétation est ouverte. Mais, tient-il à préciser, « ce qui est sûr c’est qu’on rappe pour de vrai, on ne rappe pas au deuxième degré ! » »

Le 30 septembre 2015, invité par feu le magazine musical Roadie, j’interviewais le jeune rappeur Vald juste avant le concert qu’il donnait le soir même à la Maroquinerie. C’était avant qu’il n’explose et ne devienne ce rappeur aujourd’hui adulé, décalé et plébiscité. Dans ce portrait, il révèle notamment son penchant pour l’humour, et la tentative faite avec collègue AD, au début des années 2010, de monter sur scène pour faire rire. Un fibre qu’il a toujours conservée pour mieux jouer avec les médias.

L’article a été publié début mars 2017, longtemps après sa rédaction, dans Roadie numéro 9, et depuis aspiré par l’hébergeur, sans aucun back up réalisé par l’équipe de rédaction, disparu dans les limbes du net. Mais le voici ressuscité :

« Avant, pour créer une controverse, il suffisait de mentionner le nom de Booba. Deux syllabes qui faisaient éclater l’incompréhension du rap chez ceux qui n’en perçoivent pas le second degré. Depuis Vald, le clip de « Bonjour » fait aussi l’affaire. Quelques secondes suffisent à l’auditeur pour se braquer et prendre au premier degré ce morceau-concept, l’identifiant à un rap idiot, intolérant et verbalement indigent. Débat stérile, dialogue de sourds : les seuls mots « niquer sa mère » arrêtent toute discussion chez certains. Alors que « Bonjour » est à la fois une parodie de trap, un délire egotrip nihiliste en langue des signes et une critique de la violence gratuite que distille notre société. Sans compter qu’avec le surtitrage en quatre langues étrangères, c’est un défi à l’analyse, un foutage de gueule en direction des exégètes du rap. Mais « plus t’es clair et moins les gens comprennent », observe Vald qui cherche aussi à brouiller les pistes. « Il y a une différence entre ne pas comprendre, ne pas vouloir comprendre, et puis s’énerver. C’est fort de s’énerver pour une musique. C’est intense, les gens sont passionnés en face. C’est beau ! ». Vald sort la quintessence de clichés et d’insultes que le sens commun associe au rap, les met en boucle et crée une litanie qui génère un nouveau sens : « Il n’a pas dit bonjour, du coup il s’est fait niquer sa mère ». Combien de faits divers rapportent des coups de couteau parce qu’un passant refuse de donner une cigarette ? C’est le reflet de la violence absurde d’une société qui veut du respect sans en donner. « Le respect se demande pas le respect se prend, le respect se perd ». Pour faire naître autant de théories à partir de si peu de choses, il y a un projet, à la limite de l’art contemporain. « Dire bonjour sauve des mères », a-t-il inscrit sur un sweat capuche en vente sur son site.

On rencontre Vald l’après-midi du concert qu’il donne à la Maroquinerie le 30 septembre 2015, avec, en première partie, Rejjie Snow, dont il n’a jamais entendu parler. Il est détendu, confiant, bien qu’un peu malade – peu de sommeil et une crise d’asthme à cause d’un concert à Lyon la semaine précédente. « C’est la première fois qu’on faisait un gros sold out, c’était blindé blindé, les gens étaient contents. T’imagines, amener 600 personnes qui ne sont pas de ta famille ! » Son premier concert, c’était le 15 mai 2012 au MizMiz, quartier Oberkampf. « C’était parfaitement bancal mais c’était marrant ». Maintenant, lui et ses deux collègues de scène, DJ Weedim et AD, qui fait les backs et rappe parfois (beaucoup ce soir-là à la Maroquinerie, cf. sa crise d’asthme), ont des dates tout au long de l’année. Il a commencé le rap à l’orée de sa majorité, en découvrant Lil Wayne puis Alkapote. Maintenant, il écoute beaucoup Travis Scott et commence à se faire au flow de Gucci Mane. En 2012, il sort deux mixtapes gratuites, puis, en octobre 2014, son premier EP, NQNT, pour « Ni Queue Ni Tête ». Le second, NQNT 2, sort le 25 septembre. Le jeune rappeur d’Aulnay explose grâce au succès des clips « Bonjour » et « Selfie ». Sur scène, il se démène avec des gestuelles presque comiques, et le public connaît les paroles par cœur. Que pense-t-il de ces rappeurs n’interprètent plus qu’un tiers de leurs textes en concert ? « Faut pas avoir l’air de traîner les pieds sur scène. Encore que, Travis Scott, seul avec son DJ, il ne rappe presque que jamais, c’est que des playbacks. Il a juste à hurler entre les phrases et c’est lourd. Peut-être que c’est ça l’évolution du live, que les rappeurs ferment leurs gueules et qu’ils crient juste ouaaaiiis ! »

L’humour est omniprésent chez Vald, mais il aborde la question avec une certaine duplicité.
« J’ai fait du théâtre au lycée. Plus tard, avec AD on s’est fait sélectionner pour la scène ouverte du Trévise, le FIEALD. On est monté sur scène et ce n’était pas drôle. En fait si, c’était sans doute un peu drôle, mais on était si nuls techniquement qu’au bout de 4 minutes, un gars a crié « plus fort ! ». Personne ne nous entendait, on parlait entre nous. D’ailleurs, au théâtre, on ne me donnait que des rôles où je devais me taire. » En plus des paroles et son phrasé changeant qui s’autorise des sorties de route (meilleur exemple, le succès inattendu de « Poisson »), l’humour de Vald et ses potes se retrouve dans leurs clips. Comme celui de « Par Toutatis » où, grimés en keufs, ils claquent dix fois la porte de leur voiture, comme dans le sketch des Inconnus. « Bien sûr, Les Inconnus m’ont inspiré, ce sont des légendes. » Après « Selfie », ritournelle perverse dont le clip a été tourné avec deux stars du X et décliné en trois versions (soft, érotique et hardcore), Vald a eu « l’idée de faire un clip où il ne se passe absolument rien. » Résultat ? « Urbanisme », un court métrage digne d’un musée d’art contemporain. Trois fois le même trajet filmé à trois moments différents de la journée. 11h43, 15h57 et 18h35. On suit donc Vald qui sort d’un immeuble, marche sur le trottoir, longe un terrain vague et arrive au tabac où il achète un paquet de Winston (et un briquet). Le même qu’il évoquait dans « Winston », dont le clip champêtre était tourné au Parc de la Poudrerie à Sevran. Les jeux de renvois à sa propre histoire suffisent à installer un cadre narratif. La dérision fait le reste. NQNT, mais pas n’importe quoi.

Si son univers de branleur nihiliste, accro au porno, au shit et aux jeux vidéos, ressemble à celui d’Orelsan – qui refusait d’être associé au rap alternatif type Svinkel TTC -, il ne veut pas être assimilé à lui. Méfiant, sans doute, à l’égard de son image, craignant peut-être d’être mis dans le même sac que des rappeurs manquant de street credility. Il ne veut pas être catalogué, ne pas expliquer, ne pas choisir entre le premier et le second degré et, peut-être, soigner son image auprès de la rue. Il essaie tous les instrus et tous flows possibles, prend des voix de jeune ouf ou de vieille dame outrée.

Comme disait Booba en conclusion de « Ma définition », les textes de Vald sont « à prendre à 1 degré 5 ». On le prend comme on veut, ce n’est pas à lui de de choisir, l’interprétation est ouverte. Mais, tient-il à préciser, « ce qui est sûr c’est qu’on rappe pour de vrai, on ne rappe pas au deuxième degré ! » »

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